Selon une étude récente de l’OIT (Organisation Internationale du Travail), près de 30% des femmes salariées sont confrontées à une forme de harcèlement sur leur lieu de travail. L’agressivité professionnelle est devenue un enjeu majeur dans nos environnements de travail modernes, affectant tant la santé des collaborateurs que la performance des organisations.
Face à cette réalité préoccupante, comprendre les mécanismes de l’agressivité au travail constitue la première étape pour créer des espaces professionnels sécurisés et épanouissants.

Comprendre l’agressivité au travail
L’agressivité au travail prend des formes multiples et complexes. Sa compréhension représente un prérequis essentiel pour toute démarche d’amélioration du climat professionnel.
Qu’est-ce que l’agressivité au travail ?
L’agressivité sur le lieu de travail se manifeste par des comportements hostiles visant à intimider, humilier ou causer un préjudice à autrui. Ces comportements peuvent être physiques, verbaux ou psychologiques, et survenir de manière ponctuelle ou répétée.
La Convention n°190 de l’OIT définit précisément ce phénomène comme englobant des actes préjudiciables, qu’ils soient intentionnels ou non. Les employeurs ont, à ce titre, un devoir général de sécurité envers leurs salariés.
Les différentes formes de l’agressivité sur le lieu de travail
L’agressivité professionnelle se décline selon plusieurs axes, chacun nécessitant une approche spécifique.
Type d’agressivité | Manifestations | Secteurs particulièrement touchés |
---|---|---|
Interne | Harcèlement hiérarchique, conflits entre collègues | Administration, bureautique |
Externe | Agressions par clients, patients, usagers | Santé, commerce, services publics |
Psychologique | Isolation, critiques destructrices | Tous secteurs (femmes souvent ciblées) |
Sexuelle | Avances non sollicitées, propos sexistes | Tous secteurs (30% des femmes concernées) |
Les raisons sous-jacentes de l’agressivité
L’agressivité professionnelle résulte généralement d’une combinaison de facteurs. Comprendre ces causes permet d’agir efficacement.
Les facteurs organisationnels jouent un rôle prépondérant :
- Rôles mal définis créant des tensions,
- Charge de travail excessive générant du stress,
- Concurrence interne exacerbée,
- Manque de reconnaissance.
Les dynamiques relationnelles contribuent également au phénomène, notamment par :
1. Des abus de pouvoir hiérarchique
2. Des stéréotypes discriminatoires (âge, genre, origine)
3. Des conflits de valeurs non résolus
Enfin, l’environnement social global, avec son lot de pressions économiques et de tensions sociétales, peut amplifier ces phénomènes d’agressivité.

Identifier les signes d’agressivité au travail
La détection précoce des comportements agressifs constitue une compétence essentielle pour tout manager soucieux de préserver un climat de travail sain.
Les signaux verbaux et non verbaux
L’agressivité se manifeste souvent par des signaux subtils avant d’éclater au grand jour.
Nous retrouvons notamment les signaux verbaux comme :
- un ton cassant ou moqueur,
- des critiques systématiques et disproportionnées,
- des insultes à peine voilées,
- des interruptions fréquentes lors des prises de parole.
Ces manifestations verbales s’accompagnent généralement de signaux non verbaux tout aussi révélateurs.
Les signes non verbaux incluent des comportements comme le refus de contact visuel, les soupirs ostensibles lors des interventions d’un collègue, ou encore les communications électroniques délibérément froides ou accusatrices.
La dimension physique ne doit pas être négligée : posture raide, intrusion dans l’espace personnel, gestes brusques. Ces indicateurs constituent souvent les prémices d’une escalade conflictuelle.
Les signes précurseurs d’un comportement agressif
Certains signaux d’alerte permettent d’anticiper les comportements agressifs avant leur manifestation complète.
Un climat de travail qui se dégrade peut se caractériser par :
- Une augmentation notable de l’absentéisme dans un service,
- Des témoignages récurrents d’inconfort ou d’insécurité,
- Une baisse significative de la qualité du travail fourni,
- Un sentiment général de méfiance entre collaborateurs,
L’attention portée à ces indicateurs précoces permet une intervention rapide, avant que la situation ne dégénère en conflit ouvert ou en harcèlement caractérisé.
Un manager averti observera également les modifications comportementales individuelles : retrait social d’un collaborateur habituellement engagé, erreurs inhabituelles, ou encore émotivité excessive face à des remarques ordinaires.
Les techniques pour désamorcer un comportement agressif
Face à une situation tendue, disposer d’outils pratiques de désescalade devient primordial pour tout professionnel.
L’importance de la communication verbale et non verbale
La communication constitue le premier levier d’action face à l’agressivité.
Sur le plan verbal, il convient de :
- Maintenir un ton calme et posé, même face à la provocation,
- Utiliser des formulations neutres évitant l’accusation,
- Reformuler les propos de l’interlocuteur pour montrer son écoute.
La dimension non verbale s’avère tout aussi importante !
Notre langage corporel communique plus que nos mots. Un contact visuel mesuré (ni fuyant, ni confrontant), une posture ouverte et une distance physique adéquate peuvent considérablement apaiser les tensions.
Éviter absolument l’escalade symétrique – répondre à l’agressivité par l’agressivité ne fait qu’amplifier le conflit. La temporisation, par des techniques de respiration ou de pause, permet de gagner un temps précieux pour une réponse plus adaptée.

Les techniques de gestion des émotions
Maîtriser ses propres émotions constitue un prérequis pour désamorcer l’agressivité d’autrui.
Quelques méthodes efficaces :
1. La technique de respiration 4-7-8 (inspirer 4 secondes, retenir 7 secondes, expirer 8 secondes)
2. La prise de recul mental (« Je suis professionnel, ce n’est pas personnel »)
3. L’auto-verbalisation positive (« Je reste calme et concentré sur la solution »)
L’intelligence émotionnelle joue ici un rôle déterminant. Reconnaître l’émotion de l’autre sans la juger (« Je comprends que vous êtes frustré ») constitue souvent la première étape vers l’apaisement.
L’initiation et le maintien du dialogue grâce à la bienveillance
La bienveillance ne signifie pas faiblesse, mais constitue au contraire une approche stratégique face à l’agressivité.
L’écoute active représente la pierre angulaire de cette approche :
- Valider les émotions sans nécessairement approuver les comportements,
- Poser des questions ouvertes pour encourager l’expression,
- Reformuler pour s’assurer de la bonne compréhension.
Il reste néanmoins essentiel de poser clairement ses limites. On peut être compréhensif tout en étant ferme sur ce qui est acceptable ou non dans l’échange.
Une communication orientée solution plutôt que problème permettra également de sortir de l’impasse conflictuelle en redirigeant l’énergie vers la recherche constructive d’issues favorables.
Comment réagir face à une agression physique ?
Les agressions physiques, bien que plus rares, nécessitent une réponse spécifique et immédiate.
Voici des principes fondamentaux à mettre en place :
- La sécurité prime : s’éloigner de la zone de danger est la priorité absolue,
- Ne jamais répondre physiquement à l’agression, ce qui pourrait aggraver la situation,
- Alerter immédiatement les services de sécurité ou les secours selon la gravité.
La formation préalable des équipes à la reconnaissance des signaux précurseurs d’agression physique (agitation extrême, menaces directes, destruction d’objets) permet souvent d’éviter le parcours vers la violence concrète.
Après tout incident, un débriefing et un accompagnement psychologique doivent systématiquement être proposés aux personnes impliquées.
Les stratégies de prévention pour un environnement de travail serein
Au-delà de la gestion des crises, la prévention constitue l’approche la plus efficace et économique face à l’agressivité professionnelle.
Encourager une posture assertive
L’assertivité représente cette capacité à exprimer ses opinions et défendre ses droits tout en respectant ceux des autres.
Des formations ciblées permettent de développer cette compétence clé :
- Ateliers de communication non violente (méthode Rosenberg),
- Exercices pratiques de formulation de feedback constructif,
- Mises en situation pour s’entraîner à la gestion de conflits.
Sur le plan organisationnel, l’établissement d’un code de conduite clair et la désignation de référents harcèlement (obligatoire dans les entreprises de plus de 250 salariés) constituent des mesures structurantes essentielles.
L’assertivité n’est pas innée, mais s’apprend et se développe. Elle représente une compétence professionnelle à part entière, particulièrement valorisée dans les environnements complexes.
Former le personnel à la gestion de l’agressivité
Un programme complet de formation comporte généralement plusieurs volets complémentaires.
Les modules fondamentaux comprennent :
- La sensibilisation aux micro agressions et à leurs impacts cumulatifs,
- L’apprentissage d’outils concrets de désescalade des conflits,
- Le développement de compétences en intelligence émotionnelle,
- La méthode DESC (Décrire, Exprimer, Spécifier, Conséquences) offre un cadre structuré particulièrement efficace pour aborder les situations conflictuelles de manière constructive.
Ces formations gagnent à être complétées par des dispositifs de support psychologique – cellules d’écoute, lignes téléphoniques dédiées – permettant aux collaborateurs de trouver assistance en cas de besoin.
L’importance du soutien externe et des interventions
Certaines situations nécessitent l’intervention de ressources spécialisées externes à l’organisation.
Des professionnels de l’accompagnement comme Eleas peuvent apporter une expertise précieuse dans la prévention et la gestion des risques psychosociaux liés à l’agressivité au travail. Leur regard extérieur et leur expertise permettent souvent de débloquer des situations complexes !
La mise en place d’une cellule de crise multidisciplinaire (RH, juristes, psychologues) s’avère également pertinente pour traiter les incidents graves.
La médiation, menée par un tiers neutre et formé, constitue enfin un recours précieux pour résoudre les conflits interpersonnels avant qu’ils ne dégénèrent en situations d’agressivité caractérisée.
Quand et comment engager une procédure pour agressivité au travail ?
Malgré les efforts de prévention, certaines situations nécessitent le recours à des procédures formelles.
Savoir quand demander de l’aide externe
Identifier le moment opportun pour solliciter une aide externe constitue une décision stratégique importante.
Plusieurs seuils d’intervention peuvent être identifiés :
- Alerte précoce : signalements répétés de stress anormal ou comportements inappropriés,
- Situation intermédiaire : conflits récurrents affectant la performance collective,
- Urgence : risque imminent pour la santé physique ou mentale des collaborateurs.
Les instances consultables varient selon la nature et la gravité des situations :
- En interne, le référent harcèlement, les représentants du personnel ou le service RH constituent les premiers interlocuteurs.
- En externe, médecine du travail, inspection du travail ou conseil juridique peuvent être mobilisés.
La temporalité joue également un rôle très important
- trop tôt, l’intervention peut sembler disproportionnée,
- trop tard, les situations peuvent s’être considérablement dégradées.
Les démarches à suivre pour engager une procédure
L’engagement d’une procédure formelle suit généralement un processus séquentiel bien défini.
Voici les étapes à suivre :
1. Documentation factuelle des incidents (dates, faits, témoins)
2. Signalement formel selon la procédure interne de l’entreprise
3. Saisine éventuelle d’instances externes si nécessaire
La qualité de la documentation initiale s’avère déterminante pour la suite de la procédure. Un journal des incidents précis, mentionnant dates, personnes impliquées et témoins potentiels, constitue un outil précieux.
Les recours juridiques externes ne doivent être envisagés qu’après épuisement des voies internes, sauf situation d’urgence manifeste justifiant une action immédiate.
Une procédure bien menée vise non seulement à traiter la situation actuelle mais également à prévenir sa récurrence, par la mise en place de mesures correctrices structurelles.
L’agressivité au travail dans les secteurs sensibles
Certains domaines d’activité présentent des vulnérabilités particulières face aux phénomènes d’agressivité professionnelle.
Le cas du secteur social et médico-social
Le secteur social et médico-social concentre des facteurs de risque spécifiques en matière d’agressivité.
Les professionnels y sont confrontés à :
- Des usagers en situation de détresse personnelle,
- Des contextes émotionnellement chargés,
- Des ressources parfois insuffisantes face aux besoins.
Les protocoles de sécurité et d’intervention doivent être clairs, connus de tous et régulièrement mis à jour en fonction des retours d’expérience.
Comment adapter les stratégies selon le domaine d’activité ?
Chaque secteur nécessite une adaptation fine des stratégies de prévention et de gestion de l’agressivité.
Secteur | Risques spécifiques | Mesures adaptées |
---|---|---|
Santé | Patients en souffrance, familles angoissées | Protocoles de désescalade, formation à la communication de crise |
Commerce | Insatisfaction clientèle, incivilités | Formation gestion client difficile, procédures d’alerte |
Services publics | Frustration des usagers, complexité administrative | Aménagement des espaces d’accueil, formation à la médiation |
Un diagnostic précis des facteurs de risque propres à chaque environnement professionnel permet d’élaborer des plans d’action véritablement pertinents.
L’intelligence collective joue ici un rôle majeur : l’implication des équipes dans l’identification des risques et l’élaboration des solutions garantit leur pertinence et facilite leur appropriation.
La veille sur les pratiques innovantes en matière de prévention, y compris à l’international, permet d’enrichir continuellement le répertoire d’actions disponibles.
Finalement, l’agressivité au travail représente un défi majeur pour les organisations contemporaines. Ses manifestations, multiples et parfois insidieuses, nécessitent une approche globale combinant prévention, formation et intervention.
La création d’un environnement de travail paisible repose sur un engagement collectif impliquant direction, management, représentants du personnel et collaborateurs. Cette démarche, loin d’être un luxe, constitue un investissement rentable tant en termes de bien-être que de performance.
Au-delà des obligations légales, lutter contre l’agressivité professionnelle relève d’une éthique du travail plaçant la dignité humaine au cœur de l’entreprise. Un objectif qui mérite assurément notre attention et nos efforts constants.